Trois questions à Laëtitia Desvois,
restauratrice de La Mort de Géricault
Le tableau La mort de Géricault d'Ary Scheffer a été transporté vers un atelier de restauration en janvier. Laëtitia Desvois, l'une des restauratrices qui intervient sur l'œuvre, répond à trois questions sur son travail.
Pouvez-vous nous présenter votre parcours professionnel et vos spécialités en tant que restauratrice ?
Après des études en histoire de l'art à l'École du Louvre, j'ai étudié au Master de Conservation-restauration des Biens culturels à l'Université Paris | Panthéon-Sorbonne, en spécialité peinture.
Je suis diplômée depuis une dizaine d'années et exerce pour diverses institutions, notamment les musées de la Ville de Paris, le Musée d'Orsay, le C2RMF...
Je suis particulièrement intéressée par la question des nettoyages, objet de nombreuses recherches depuis une vingtaine d'années.
Suite à mon mémoire dédié à ce thème, j'ai la chance de coordonner la plupart des formations consacrées à ce sujet à l'Institut National du Patrimoine et j'enseigne désormais dans plusieurs formations ces nouvelles théories et pratiques.
Pourquoi La mort de Géricault nécessitait-elle une restauration ?
Cette peinture présentait un état de conservation et de présentation médiocres : l'ancienne restauration s'était dégradée. En avril 2019, lors du montage de l'exposition Paris Romantique au Petit Palais, où cette œuvre était exposée, nous avions déjà constaté des problèmes d'adhérence provoquant des lacunes*2 de la couche picturale*1.
Une mauvaise tension de la toile associée à un vernis épais et oxydé exerçaient des tensions à la surface de la couche picturale*1, provoquant des soulèvements*3. Pour résoudre ces dégradations, il était nécessaire de travailler à la fois sur le support toile et sur la couche picturale*1.
Quelles sont les différentes étapes de cette restauration et quels en sont les objectifs ?
Les objectifs étaient dans un premier lieu de refixer et consolider la couche picturale*1 pour éviter de nouvelles lacunes*2 et soulèvements*3. Une fois l'œuvre stabilisée, nous pouvions restaurer son image, c'est-à-dire réintégrer les lacunes*2 et saturer la surface avec un vernis de restauration stable dans le temps.
Dans un premier temps, les soulèvements*3 ont donc été refixés par la face, puis l'œuvre a été décrassée et allégée de son épais vernis de restauration. Les anciennes retouches, très désaccordées, ont été retirées avec un gel de solvant. L'épais vernis retiré, il était plus facile de consolider la couche picturale*1 soulevée. Un refixage a donc été réalisé, avant une mise en tension sur un bâti extenseur pour une reprise des déformations de la toile. Enfin, la toile a été remontée sur son châssis ancien qui a été conservé et réaménagé pour mieux s'adapter au support toile.
Pour isoler la couche picturale*1 de notre réintégration, un vernis intermédiaire a été appliqué. Les lacunes*2 ont été réintégrées et enfin un vernis final a été pulvérisé à la surface, pour donner à la couche*1 picturale un aspect satiné.
*1 Couche picturale : ensemble des couches de peinture superposées qui se situent entre la préparation et le vernis protecteur
*2 Lacune : zone sans peinture
*3 Soulèvement : décollement de la couche picturale